jeudi 13 mai 2010

Presque vingt ans après… : Le règlement du passif humanitaire vu par Aminétou Mint El Moctar

Après Boubacar Messaoud, Aminétou Mint El Moctar, présidente de l’Association des Femmes Chefs de Famille (Afcf), donne son point de vue sur le règlement du passif humanitaire. Pour elle, le règlement définitif du passif commence d’abord par la mise en place d’une commission indépendante associant les victimes y compris les organisations de défense des droits de l’Homme ayant toujours fait du dossier du passif humanitaire une de leurs préoccupations majeures. "Il appartiendra à cette commission d’étudier les voies et moyens de régler le problème du passif humanitaire", souligne-t-elle.

Au sujet du règlement du passif humanitaire, Aminétou Mint El Moctar est catégorique : ceux qui ont les mains mouillées du sang de leurs victimes doivent être démasqués et répondre de leurs actes. En outre, la présidente de l’Afcf, sidérée, voudrait attirer l’attention des mauritaniens sur la manière dont aujourd’hui la question du passif humanitaire est soulevée par le Haut Conseil d’Etat nonobstant une réelle volonté politique de régler définitivement ce problème. "On ne peut pas être juge et partie", précise-t-elle.

Pour Aminétou Mint El Moctar, les coupables s’ils sont avérés doivent être jugés et condamnés pour servir d’exemple à ceux qui seraient tentés de vouloir commettre des actes criminels en Mauritanie. "C’est pour aussi faire un rapprochement entre nos différentes communautés et satisfaire les victimes qui ont, durant presque vingt ans, attendu, dans des conditions déplorables la justice après avoir subi des injustices extrêmement graves à leur encontre", explique-t-elle en faisant savoir que c’est le seul moyen de sortir la Mauritanie du ghetto du racisme, de l’exclusion et de la division.

Du côté de certaines personnalités de la société civile mauritanienne, elles sont nombreuses à fustiger la manière dont les autorités veulent traiter le dossier du passif humanitaire. Ainsi donc, pour Aminétou Mint El Moctar, présidente de l’Association des Femmes Chefs de Famille (Afcf), il est temps qu’on y mette du sérieux surtout de la part de la junte militaire au pouvoir qui veut précipiter le règlement définitif de ce dossier. "Jusqu’à présent, aucune volonté de la part des nouvelles autorités[le Haut Conseil d’Etat, Ndlr] n’a été constatée. Ce n’est pas les promesses qui règlent les problèmes. Nous en avons tellement entendu sous Maaouiya Ould Sid’Ahmed Taya. Mais, elles n’ont rien changé", rappelle-t-elle.

Au niveau du Forum des Organisations Nationales des Droits Humains dont Aminétou Mint El Moctar est membre, une stratégie de règlement du passif humanitaire a été concoctée. Elle s’articule autour de quatre points essentiels à savoir : établir la vérité sur le passif humanitaire, poursuivre pour l’exemple les responsables moraux des exactions, réparer les préjudices moraux et procéder à des réformes institutionnelles. "Maintenant, après tout cela, il appartient aux victimes de pardonner. On ne peut pas continuer à ignorer les victimes et leurs enfants qui sont toujours là dans une situation assez dramatique", insiste-elle en laissant entendre qu’une enquête sérieuse devait être menée au sujet de l’identification des auteurs et les poussant à reconnaitre leurs crimes.

"C’est eux-mêmes qui doivent demander le pardon. On ne peut pas pardonner à la place des victimes. L’Etat ne peut pas pardonner à la place des victimes. On ne peut pas non plus les obliger à se taire…", affirme-t-elle. "Tout ceci passe, d’abord, par l’existence d’un Etat de droit", ajoute-t-elle.

Avec tout le tapage et le fourmillement qui entoure le dossier du passif humanitaire, Aminétou Mint El Moctar craigne que la question du passif humanitaire ne connaisse pas le même sort que celui de l’esclavage qui, malgré l’adoption de nombreuses dispositions législatives, continue toujours de susciter des prises de positions .

Le pourrissement du dossier du passif humanitaire arrange-t-Nombreux aujourd’hui sont ceux qui pensent et soutiennent que le pourrissement du dossier du passif humanitaire pourrait constituer une menace pour la stabilité sociale du pays. Et, si, aujourd’hui, la question du passif humanitaire met encore du temps à être résolue définitivement, c’est sans nul parce qu’il constitue un sujet qui dérange à plus d’un titre notamment au niveau de l’armée et de l’administration.

Dans le dossier du passif du passif, l’armée mauritanienne est accusée gravement d’avoir servi d’écran de fumée aux milliers de massacres collectifs et la déportation de centaines de milliers de mauritaniens vers le Sénégal et le Mali à la suite des évènements de 1989 entre la Mauritanie et le Sénégal. Pour Aminétou Mint El Moctar donc, les militaires sont aujourd’hui mal placés pour se substituer aux victimes dans la recherche de la vérité sur le passif humanitaire. Car, des accusations graves pèsent sur certains hauts gradés de l’armée mauritanienne. Même l’actuel locataire de la Maison Brune, Mohamed Ould Abdel Aziz, n’échappe pas à ces charges.

Au sujet du règlement du passif humanitaire, Aminétou Mint El Moctar aurait souhaité la mise sur pied d’une instance internationale spéciale chargée de juger les coupables. "Les militaires doivent s’éloigner de ce problème", soutient-elle. "On n’est pas encore au moment des miracles", lâche-t-elle.

Aujourd’hui, Vingt ans après, existe-t-il vraiment une réelle volonté d’en finir avec le passif humanitaire ? Ce dossier ne risque-t-il pas d’être bâclé sans la moindre discussion par le Haut Conseil d’Etat ? Est-ce que toute la lumière sera jetée au sujet des exactions commises entre 1986 et 1991 ? Autant de questions qui méritent d’être posées.

Mais pour Aminétou Mint El Moctar, les réponses à toutes ces questions dépendent uniquement de la bonne volonté des nouveaux pouvoirs publics à résoudre le dossier du passif humanitaire. "Toutes les données existent. Il suffit d’avoir une volonté affichée pour régler ce problème", dit-elle.

Aux yeux d’Aminétou Mint El Moctar, on ne peut pas régler le problème du passif humanitaire sans jugement ni devoir de vérité et surtout sans laver nos consciences et sans associer les associations et certaines associations. "Ce n’est pas dans un esprit de règlement de comptes qu’on va le faire pour réclamer la justice", prévient-elle pour permettre la reconnaissance et la réparation du préjudice.

Babacar Baye Ndiaye

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