dimanche 4 octobre 2009

Deux ans après son vote à l’Assemblée nationale:La loi criminalisant l’esclavage souffre de son manque d’application



Le 8 août 2007, sous Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi, une loi criminalisant l’esclavage et ses pratiques analogues est votée à l’Assemblée nationale, nonobstant la réserve d’une once de parlementaires. A l’époque, des organisations de défense des droits de l’Homme en Mauritanie, notamment SOS Esclaves et même de l’extérieur, s’en étaient vivement félicité en y voyant un palier vers l’éradication définitive de cette pratique.
Aujourd’hui, deux ans, après son vote à l’Assemblée nationale, la loi n° 2007-048 du 3 septembre portant incrimination de l’esclavage et réprimant les pratiques esclavagistes souffre du manque de son application.
Certes, la loi interdit l’esclavage et punit leurs auteurs. Mais, dans la pratique, c’est une autre paire de manche. «Depuis, le vote de cette loi en 2007 criminalisant l’esclavage et les pratiques esclavagistes, les victimes et les organisations de défense des droits de l’Homme ont tout fait pour que cette loi s’applique. Mais, il s’avère qu’il y’a une résistance très forte des appareils judiciaire, sécuritaire et administratif chargés de dire et d’appliquer la loi qui refusent toute enquête ou tout jugement », constate Birame Ould Dah Ould Abeïd, président de l’Initiative de résurgence du mouvement abolitionniste (IRA) fondé en 2008 au lendemain du coup d’Etat.
Ce constat amène à se poser ces questions suivantes : Pourquoi n’applique-t-on pas la loi ? Qui a intérêt à ce qu’elle ne s’applique-t-elle pas et pour quels fondements ? Birame Ould Dah Ould Abeïd semble avoir trouvé les réponses à ces questions. A l’en croire, ce sont ceux qu’il appelle les «groupes dominants esclavagistes» qui veulent toujours maintenir leur mode de vie basé sur l’esclavage et les pratiques esclavagistes. Et, cela trouve son soubassement aussi bien dans l’administration que dans la société mauritanienne.
«Les administrateurs civils, les magistrats et les officiers de police judiciaire ont la mission de préserver cet acquis, de le défendre en leur assurant l’impunité totale. C’est pourquoi, ils sont tous issus d’extraction esclavagiste. Et, quand il y’a parmi eux, de rares magistrats, administrateurs civils et officiers de police judiciaire qui sont d’extraction servile comme le magistrat président de la Cour pénale de Nouakchott Souleymane Diarra, le préfet de R’Kiz Aboubécrine Ould Khourou ou le commandant de gendarmerie de Méderdra Amadou Sarr, ils sont engagés dans la servilité et au profit du système esclavagiste qui, grâce à lui, sont cooptés selon leur tendance servile comme des nègres de service à faire ce qu’on leur demande», révèle le président de l’IRA.
Pour montrer sa bonne disposition à promouvoir les droits de l’Homme, le Conseil Militaire pour la Justice et la Démocratie (CMJD) dirigé par le colonel Ely Ould Mohamed Vall, une commission nationale des droits de l’Homme que dirige toujours M. Mohamed Ould Saïd Hamady est mise en place. Cette commission où Birame Ould Dah occupe le poste de conseiller a joué un rôle assez considérable dans le respect de l’application de la loi. A cet effet, toutes les requêtes adressées ont été soutenues. Et, à son tour, la commission procédait à des correspondances et des interventions auprès des autorités compétentes pour soulager la situation des victimes. Toutefois, celles-ci n’aboutissaient pas toutes.
A ce rythme-là, faut-il espérer un jour de voir l’esclavage disparaître définitivement en Mauritanie ? «Non, répond Birame Ould Dah Ould Abeïd. On ne peut pas combattre l’esclavage de manière pacifique. Toutes les organisations qui ont opté cette attitude ont échoué. Il y’a de plus en plus l’écrasement qui se confirme davantage avec une forte volonté des pouvoirs publics et de l’Etat ethnique et esclavagiste composé d’une minorité arabo-berbère qui fonde son mode vie sur l’esclavage et son pouvoir sur la discrimination raciale.»
Aujourd’hui, certaines organisations de défense des droits de l’Homme comme l’IRA reprochent aux pouvoirs publics d’être sourds à toutes les sonnettes d’alarme en ce qui concerne l’esclavage et ses pratiques analogues. Pendant ce temps-là, les pratiques esclavagistes deviennent de plus en plus massives et multiformes. Elles touchent pratiquement la moitié de la population mauritanienne qui souffre de l’inégalité devant la loi, de l’expropriation terrienne, du travail sans salaire, de la confiscation des enfants, de la séparation des familles, du travail des enfants, de la marginalisation économique et sociale.
«Il n’y a rien qui est fait dans ce sens. Il n’y a aucun remède ou aucune action judiciaire et politique de la part des pouvoirs publics pour essayer de changer cette situation qui empire de plus en plus», s’indigne le président de l’IRA qui a appelé toutes les organisations de défense des droits de l’Homme à s’organiser pour combattre cette pratique.
Tous les régimes politiques et militaires qui se sont succédé en Mauritanie ont tous nié à l’exception de celui de Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi l’existence de l’esclavage ; y compris même des érudits. Chacun s’est contenté de fermer les yeux. Dès le lendemain de son coup d’Etat et pendant sa campagne électorale, Mohamed Ould Abdel Aziz avait promis l’enfer aux «roumouz el vessad» et aux «moufçidines» sauf aux maîtres d’esclaves.
Cette posture n’étonne guère Birame Ould Dah puisqu’il considère que le régime de Ould Abdel Aziz et ceux qui l’ont précédés, c’est le revers de la même pièce. «Son régime, dès son avènement, a opté pour le négationnisme total au sujet des crimes et pratiques esclavagistes. Les autorités compétentes de son régime réservent toujours le même refus de reconnaissance des plaintes des victimes et l’impunité totale et systématique», regrette-t-il.

Babacar Baye Ndiaye

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