IdjaameNews_Bilali Traoré, la soixantaine, est un cultivateur qui s’habille à la manière mauritanienne, boubou ample et large, coiffé d’une chéchia grise marron, chapelet à la main, signe d’une foi inébranlable. A première vue, il ressemble plutôt à un notable du quartier. Que nenni ! Son apparence trompe à plus d’un titre. Comme tous les Traoré qui sont des descendants d’esclave, il n’a pas droit à un terrain. C’est un opprimé comme tant d’autres mauritaniens de sa génération qui ne peuvent rien escompter de leurs autorités.
Il a été injustement dépossédé de son terrain par la force au seul motif qu’il est descendant d’esclave. Pour lui, ses maîtres sont au-dessus de la loi, des intouchables voire des hors-la-loi. Lorsqu’ils parlent d’eux, il ne mâche pas ses mots : "C’est des inhumains", dit-il. En effet, le cas de Bilali Traoré n’est qu’une infime partie de la réalité. Dans le monde du travail, dans les relations entre maîtres et esclaves, entre employeurs et employés, une exploitation immonde quelques fois même sans qualification y fait office de bonne figure. Et, pour lui, le pire est à venir si on continue à favoriser les maîtres esclaves qui oppriment et exploitent comme bon leur semble leurs sujets sur qui ils exercent un droit de vie et de mort comme sous Louis XIV. Sa voix condense au fond de son âme des années de répugnance.
Au Guidimakha qui l’a vu naître et grandir, il y a deux sortes de gens : ceux qui ont eu la baraka d’appartenir à une famille de noble (maîtres esclaves) et ceux qui sont descendants d’esclaves comme lui qui traîne avec lui des années d’analphabétisme criard.
"Les bêtes de somme sont mieux traitées que nous", déplore-t-il. Et pas uniquement. On les fait travailler sans répit dans les champs. Là aussi, ils n’ont droit qu’à une partie de leur récolte. Ainsi, leur vie se résume à nourrir leurs maîtres esclavagistes. "Et, quand ils savent que tu as une très bonne terre très fructueuse et qui te fais de très bons rendements, ils te l’arrachent sans vergogne", révèle-t-il.
Pourtant, l’esclavage a été criminalisé par une loi votée à l’unanimité par l’Assemblée Nationale le 8 août 2007, sous Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi qui s’était engagé, on s’en souvient durant sa campagne électorale, à lutter contre cette pratique aux contours mal définis. Les maîtres esclavagistes, eux, n’en ont cure puisqu’"ils sont en train de régler leurs comptes à leurs anciens esclaves", explique-t-il.
Les familles esclavagistes sont légion au Guidimakha. Et, une fois qu’ils se libèrent du joug de leurs maîtres esclavagistes, ces derniers créent des problèmes autour des parcelles de terrain qu’ils ont dûment acquis. "Ils veulent se venger. Ils sont contre les juridictions. Ils n’ont qu’une seule idée à l’esprit : nous déposséder de nos terres", persiste Bilali Traoré.
Pour autant, il ne manque pas de griefs contre l’Etat mauritanien. Il reste convaincu que si les pouvoirs publics appliquaient la loi, il n’y aurait pas ce genre de problèmes. "Si l’Etat est engagé à mettre fin à de telles pratiques, il doit punir leurs auteurs. Il doit régler ce problème des terres, cette partie de l’esclavage qui consiste à déposséder les gens de leurs terres", dit-il au bout des lèvres.
En un mot comme en mille, Bilali Traoré ne digère pas aussi le laxisme observé par les autorités locales dans ce genre de dossier à forte teneur explosive. Et, surtout, ne vous aventurez pas à vouloir lui arracher son sentiment sur la justice mauritanienne. "C’est une coquille vide, répond-il comme piqué au vif. C’est un instrument au service des maîtres esclavagistes et des riches du pays. Pas d’autre !"
Au Guidimakha, dit-il, tout celui qui n’est pas descendant d’un Cissé, Camara ou forgeron n’a pas droit à un terrain. "Les autres n’ont pas droit à une motte de terre. Même, après l’accouchement de votre femme, ce sont les Camara ou les Cissé qui viennent baptiser votre propre enfant", ironise-t-il. Il poursuit plus volubile cette fois-ci : "Quand j’entends parler de la démocratie en Mauritanie, ça me fait rire. On ne peut pas parler de démocratie en occultant ce qui se passe actuellement au Guidimakha et qui est très préoccupant et très louche".
Le Guidimakha est composé d’une quarantaine de villages. C’est la région la plus fertile de la Mauritanie. C’est un territoire qui manque terriblement d’infrastructures. Ici, on continue à vivre à l’état moyenâgeux.
Pour Bilali Traoré, l’histoire semble se renouveler. Après lui avoir arraché ses femmes par la force, ses maîtres lui ont arraché à nouveau sa terre.
Babacar Baye Ndiaye
Il a été injustement dépossédé de son terrain par la force au seul motif qu’il est descendant d’esclave. Pour lui, ses maîtres sont au-dessus de la loi, des intouchables voire des hors-la-loi. Lorsqu’ils parlent d’eux, il ne mâche pas ses mots : "C’est des inhumains", dit-il. En effet, le cas de Bilali Traoré n’est qu’une infime partie de la réalité. Dans le monde du travail, dans les relations entre maîtres et esclaves, entre employeurs et employés, une exploitation immonde quelques fois même sans qualification y fait office de bonne figure. Et, pour lui, le pire est à venir si on continue à favoriser les maîtres esclaves qui oppriment et exploitent comme bon leur semble leurs sujets sur qui ils exercent un droit de vie et de mort comme sous Louis XIV. Sa voix condense au fond de son âme des années de répugnance.
Au Guidimakha qui l’a vu naître et grandir, il y a deux sortes de gens : ceux qui ont eu la baraka d’appartenir à une famille de noble (maîtres esclaves) et ceux qui sont descendants d’esclaves comme lui qui traîne avec lui des années d’analphabétisme criard.
"Les bêtes de somme sont mieux traitées que nous", déplore-t-il. Et pas uniquement. On les fait travailler sans répit dans les champs. Là aussi, ils n’ont droit qu’à une partie de leur récolte. Ainsi, leur vie se résume à nourrir leurs maîtres esclavagistes. "Et, quand ils savent que tu as une très bonne terre très fructueuse et qui te fais de très bons rendements, ils te l’arrachent sans vergogne", révèle-t-il.
Pourtant, l’esclavage a été criminalisé par une loi votée à l’unanimité par l’Assemblée Nationale le 8 août 2007, sous Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi qui s’était engagé, on s’en souvient durant sa campagne électorale, à lutter contre cette pratique aux contours mal définis. Les maîtres esclavagistes, eux, n’en ont cure puisqu’"ils sont en train de régler leurs comptes à leurs anciens esclaves", explique-t-il.
Les familles esclavagistes sont légion au Guidimakha. Et, une fois qu’ils se libèrent du joug de leurs maîtres esclavagistes, ces derniers créent des problèmes autour des parcelles de terrain qu’ils ont dûment acquis. "Ils veulent se venger. Ils sont contre les juridictions. Ils n’ont qu’une seule idée à l’esprit : nous déposséder de nos terres", persiste Bilali Traoré.
Pour autant, il ne manque pas de griefs contre l’Etat mauritanien. Il reste convaincu que si les pouvoirs publics appliquaient la loi, il n’y aurait pas ce genre de problèmes. "Si l’Etat est engagé à mettre fin à de telles pratiques, il doit punir leurs auteurs. Il doit régler ce problème des terres, cette partie de l’esclavage qui consiste à déposséder les gens de leurs terres", dit-il au bout des lèvres.
En un mot comme en mille, Bilali Traoré ne digère pas aussi le laxisme observé par les autorités locales dans ce genre de dossier à forte teneur explosive. Et, surtout, ne vous aventurez pas à vouloir lui arracher son sentiment sur la justice mauritanienne. "C’est une coquille vide, répond-il comme piqué au vif. C’est un instrument au service des maîtres esclavagistes et des riches du pays. Pas d’autre !"
Au Guidimakha, dit-il, tout celui qui n’est pas descendant d’un Cissé, Camara ou forgeron n’a pas droit à un terrain. "Les autres n’ont pas droit à une motte de terre. Même, après l’accouchement de votre femme, ce sont les Camara ou les Cissé qui viennent baptiser votre propre enfant", ironise-t-il. Il poursuit plus volubile cette fois-ci : "Quand j’entends parler de la démocratie en Mauritanie, ça me fait rire. On ne peut pas parler de démocratie en occultant ce qui se passe actuellement au Guidimakha et qui est très préoccupant et très louche".
Le Guidimakha est composé d’une quarantaine de villages. C’est la région la plus fertile de la Mauritanie. C’est un territoire qui manque terriblement d’infrastructures. Ici, on continue à vivre à l’état moyenâgeux.
Pour Bilali Traoré, l’histoire semble se renouveler. Après lui avoir arraché ses femmes par la force, ses maîtres lui ont arraché à nouveau sa terre.
Babacar Baye Ndiaye
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