samedi 5 septembre 2009

Egalité, émancipation, violences… : Les véritables problèmes de la femme mauritanienne mis au frigo!



idjaameNews-Les violences à l’égard des femmes ont la vie dure en Mauritanie. Les associations qui militent pour l’éradication d’un tel phénomène qui prend de l’ampleur en raison de l’absence d’un cadre répressif butent souvent sur le manque de collaboration de la part de la police et de la justice. Aussi, les victimes ne leur facilitent pas souvent la tâche pour démasquer les coupables.
"Rares sont les femmes qui acceptent de porter plainte, résume Aminétou Mint El Moctar la présidente de l’Association des Femmes Chefs de Famille (Afcf). On fait un travail énorme pour amener ces femmes-là à porter plainte".
Cela ne se fait pas non sans difficultés. Car, les victimes qui ont besoin de l’accompagnement, ne sont pas souvent habituées à se retrouver devant la police ou devant une autorité judiciaire. Et, la victime se retrouve ainsi entre l’enclume de la police et le marteau de la justice. Dans de pareilles circonstances, on considère que c’est la femme qui est seule coupable.
"Au lieu d’être victime, c’est elle qui est incriminée devant la police", renseigne Aminétou Mint El Moctar qui n’a pas manqué d’attaquer les cadis toujours prompts à culpabiliser eux aussi la femme mauritanienne. "Là aussi, la femme, on ne lui demande pas son avis. Au lieu de lui rendre justice, le cadi va l’incriminer. D’ailleurs, elle n’obtient jamais gain de cause. C’est rare que la femme trouve justice. Ce qui fait qu’une femme battue à mort, tu viens auprès d’elle et tu lui dis de porter plainte, elle dit que non parce que cela signifierait braver l’autorité parentale, la société, les coutumes, les traditions, l’environnement familial, l’autorité du père, du frère, du mari, de la tribu", explique-t-elle.
La femme mauritanienne a toujours été responsabilisée de ce qu’elle n’a jamais fait. Et, pour celles qui osent porter plainte, elles sont aussitôt vouées aux gémonies, incriminées et en plus vomies par la société. Un autre lourd fardeau qu’elle porte cette fois-ci mais vis-à-vis de la société ! Comment sortir de ce canevas et que faire quand on n’arrive pas à juguler les violences à l’égard des femmes ?
"Certainement, il faut une loi interdisant et criminalisant les violences faites aux femmes. Cette loi devra tenir en compte dans ses différents articles les différentes violences et les peines appropriées à chaque violence", préconise-t-elle.
Dans cette optique, des ateliers ont été organisés par l’Afcf dans le but de ressortir les différentes violences, leurs origines et leur impact dans la société pour aboutir à un projet de loi qui sera soumis aux autorités compétentes.
Du développement économique à la participation politique en passant par la promotion des droits humains, personne ne doute de l’apport de la femme mauritanienne dans ces différents domaines.
Mais, à en croire Aminétou Mint El Moctar,"c’est un combat vide", insiste-t-elle.
La raison ? "Parce qu’il n’y a pas un cadre juridique qui permet à la femme aujourd’hui de faire ce combat pour améliorer sa situation. Toutes les lois que nous avons en Mauritanie sont des lois qui incriminent et discriminent la femme", explique-t-elle.
Pour la présidente de l’Afcf, améliorer la situation de la femme suppose d’abord qu’on réforme le code pénal mauritanien colmaté de toutes pièces à partir du droit français et de la charia codifiée. Ce qu’elle déplore en outre, c’est leur manque d’application. A cela s’ajoutent les insuffisances du Code du Statut Personnel qui a été récemment mis en place.
"C’est vrai que c’est une évolution par rapport à la situation de la femme mauritanienne, reconnaît-elle toutefois. Ce code qui est mieux que rien est vraiment aberrant vis-à-vis de la femme. De son article premier à son article dernier, il est discriminatoire".
Ces discriminations dont elle fait allusion concernent le mariage, le divorce, la charge des enfants, l’héritage, la polygamie, le tutorat, la gestion des biens, du ménage…
Dans ce sens, une campagne de sensibilisation a été lancée, au mois de mars 2009, sur la levée des réserves relatives à l’article 16 de la Convention sur l’Elimination de toutes les formes de Discriminations à l’Egard des Femmes (CEDEF), sur l’amélioration du Code du Statut Personnel. "Jusqu’ici, nous avons réussi à toucher plus de 4.000 femmes, révèle Aminétou Mint El Moctar. Notre objectif, c’est de toucher à la fin de l’année 2009 plus de vingt à trente mille femmes".
Sous Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi, l’Afcf avait initié un plaidoyer adressé au gouvernement de Yayha Ahmed Ould Waghef pour la précision de cette réserve qui portait sur l’article 16 de la Convention sur l’Elimination de toutes les formes de Discriminations à l’Egard des Femmes (CEDEF) et qui donne à la femme la possibilité de divorcer quand elle le souhaite.
"Il y a plus de discriminations, de problèmes, de violations des droits des femmes qui sont plus importants et plus actuels", rappelle Aminétou Mint El Moctar qui a révélé que la discrimination la plus flagrante dans le domaine du travail est l’impossibilité pour la femme de bénéficier de son droit à la pension. "Si la femme décède, les ayants droit n’ont pas droit à la pension. Alors que l’homme, quand il décède, ses ayants droit ont immédiatement droit à la pension", s’insurge-t-elle.
Nous sommes dans un pays où les mariages précoces font rage et la femme quand elle est veuve (imaginez qu’elle le devienne à l’âge de 25 ans !), elle n’a pas le droit de toucher sa pension avant l’âge de 50 ans. Quid du taux de divorce ? Incontestablement, dans les ménages mauritaniens, la femme joue un rôle très considérable dans l’accumulation des biens. "Au moment du divorce, elle se retrouve sans rien du tout. C’est l’homme qui s’accapare de tout alors que même peut-être c’est ses biens à elle", dit-elle.
Aminétou Mint El Moctar a battu en brèche certaines opinions qui ont souvent tendance à dire que tout ce qui met la femme à l’aise et qui combat les discriminations est contre la morale ou la charia.
"Nos savants religieux ne cherchent pas à s’améliorer, regrette-t-elle. Ils se satisfont uniquement de ce qu’ils ont déjà appris. Par rapport aux autres religieux de la terre, ils sont vraiment en arrière. Ils n’aspirent pas au changement et veulent nous imposer leur vision des choses. L’Islam est venu pour libérer l’humanité et non enchaîner une partie".
Pour Aminétou Mint El Moctar donc et comme pour d’autres, on ne peut pas continuer à dire que tous ceux qui cherchent la liberté, l’égalité ou qui cherchent à travailler, à éliminer la pauvreté, l’ignorance, l’esclavage qui est une pratique inhumaine et dégradante pour l’être humain sont contre l’Islam.

Babacar Baye Ndiaye

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