samedi 22 août 2009

Présidentielles de 2009: Sûr de l'emporter au premier tour, Aziz exulte déjà tandis que ses adversaires tentent de le ramener à la réalité des choses


Plus d’un million de mauritaniens ont été appelés aux urnes ce 18 juillet 2009. De bureaux de vote en bureaux de vote, l’ambiance électorale est partout identique : files indiennes interminables, forces de l’ordre qui surveillent les lieux, atmosphère calme…Dans certains bureaux de vote de la capitale comme celui du numéro 15 se trouvant à la direction de la SOCIM, le vote se fait au compte-gouttes.
"C’est lent, très lent", se lamente un électeur. Cette longue attente chauffe très rapidement les esprits."Cela fait au moins plus de deux heures de temps que je suis là à attendre, fulmine un autre électeur. Nous souhaitons quand même qu’il y ait la transparence et que le vote se fasse dans de bonnes conditions. Et, après, au tourne la page".
Ce scrutin a eu lieu au lendemain des échanges de tirs à Ksar entre des policiers et des hommes en armes. Interpellé à ce sujet, Mohamed Ould Abdel Aziz, a laissé entendre, après avoir affirmé de l’emporter au premier tour, qu’il s’agissait là d’une action qui vise à "traquer les derniers terroristes du pays" qui continuent à défier les pouvoirs publics."Nous sommes conscients de ce phénomène et nous allons le combattre", a-t-il a assuré à sa sortie du bureau de vote n° 6 de la direction générale du patrimoine de l’Etat.
"C’est un incident assez mineur, a tenté de rassurer le ministre de l’Intérieur et de la décentralisation M. Mohamed Ould Rzeizim de sa part. C’est un acte isolé. Nous voulons que les populations sachent que la situation sécuritaire est maîtrisée et qu’il n’y a pas de problème".
Il a en outre assuré au sujet du scrutin que tout s’est déroulé correctement comme prévu."Nous n’avons pas reçu aucune revendication, dit-il. Jusqu’à présent, je suis satisfait du bon déroulement des opérations de vote".
Entre les déclarations des pouvoirs publics qui assurent que toutes les mesures ont été prises pour garantir la transparence et celles des adversaires de Mohamed Ould Abdel Aziz qui accusent ce dernier de s’autoproclamer déjà vainqueur du scrutin, les mauritaniens sont partagés et la bataille risque d’être dure.
Et, les candidats ont tous compris que cette consultation représente un gros enjeu politique pour l’avenir de la Mauritanie. "Où notre pays choisit la voie de sortie d’une crise extrêmement grave et dangereuse. Où il choisit d’y rester et je pense que notre pays choisira d’en sortir et en sortir c’est éviter de légaliser un coup d’Etat", a affirmé Ely Ould Mohamed Vall à sa sortie du bureau de vote n°6 de la direction générale du patrimoine de l’Etat où exactement Mohamed Ould Abdel Aziz a voté avant lui.
En réaction aux propos de ce dernier soutenant qu’il allait remporter haut la main ce scrutin dès le premier tour, Ely Ould Mohamed Vall a déclaré que c’est un scénario inimaginable. "A moins de retourner à une décision de coup d’Etat, je ne vois pas du tout comment il peut ne pas y avoir un second tour. Dans cette élection, personne ne peut passer au premier tour si elle se passe bien et si le vote se déroule normalement. Je ne pense pas que le contexte politique actuel du pays puisse permettre de passer au premier tour et tout passage au premier tour suppose qu’il y a une situation anormale", précise-t-il.
Les déclarations de Mohamed Ould Abdel Aziz inquiètent aussi certaines personnalités de la société civile du pays. C’est le cas de Boubacar Ould Messaoud, président de SOS. Esclaves et en même temps membre de la Commission Nationale des Droits de l’Homme à qui on a refusé toute observation du scrutin du 18 juillet."Il ne peut pas passer au premier tour sauf s’il y a un coup d’Etat électoral, a-t-il insisté. Les candidats sont nombreux et il y a de gros calibres comme Ahmed Ould Daddah, Messaoud Ould Boulkheir et Ely Ould Mohamed Vall. Il me parait impossible que quelqu’un passe au premier tour".
Certaines organisations non gouvernementales comme le Fonadh ont été empêchées d’observer l’élection présidentielle du 18 juillet 2009. Ceci a aussitôt provoqué l’ire de cette organisation."Depuis le 12 juillet, nous avons adressé une correspondance au secrétariat général du ministère de l’Intérieur pour nous permettre d’observer l’élection présidentielle du 18 juillet 2009, explique Mamadou Sarr, secrétaire exécutif du Fonadh. Le 17 juillet, je me suis rendu au ministère espérant trouver l’accréditation. On nous a fait comprendre qu’il y avait un forum dont je ne connais pas d’ailleurs le nom qui est le seul en mesure d’envoyer des lettres d’accréditation.
On ne peut pas comprendre que dans un Etat de droit qu’on puisse empêcher une organisation comme la nôtre de ne pas pouvoir observer. En tout cas, nous protestons et nous allons user de tous les moyens nécessaires pour que réellement à l’avenir de telles pratiques ne se répètent. Nous le regrettons amèrement".
Contrairement à l’élection présidentielle de février-mars 2007, celle de juillet 2009 risque d’engendrer des contestations de la part des grands quatre candidats à cette élection. Et, les appels à l’apaisement s’amoncellent déjà. "Je souhaite ardemment que les choses se passent le plus normalement possible, a déclaré l’ancien président de la CENI Cheikh Sid’Ahmed Ould Babami. Les conditions sont différentes et nous comprenons que la manière dont les choses se sont passées soit moins maîtrisée mais nous souhaitons que ce soit acceptable. Si on a un scrutin acceptable et des conditions acceptables, c’est déjà très bien".
Est-ce que la transparence va être observée ? Est-ce que la Commission Electorale Nationale Indépendante va jouer son rôle comme il se doit ? Pour certains électeurs, les dés sont déjà pipés pour les adversaires de Mohamed Ould Abdel. Pour eux, toutes les dispositions ont été prises depuis très longtemps pour élire l’homme du "changement constructif" dès le premier tour de cette élection présidentielle. Dans de telles conditions, pas la peine de rêver un second tour !

Babacar Baye Ndiaye

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