dimanche 23 août 2009

Ladji Traoré,SG de l'APP:"Nous continuons à décrédibiliser ces élections du 18 juillet qui ont porté Aziz au pouvoir"


idjaameNews-La crise politique née du coup d’Etat du 6 août 2008 fomenté contre Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi par Mohamed Ould Abdel Aziz est loin de connaître son épilogue. En tout cas, tel est l’avis de M. Ladji Traoré, secrétaire général de l’APP. "Nous continuons à décrédibiliser et à nier toute crédibilité à ces élections [du 18 juillet 2009] qui ont porté Aziz là où il est. Et, nous demandons une enquête internationale approfondie sur le comment et le déroulement de ces élections et les résultats", dit-il. Dans l’interview suivante, il revient entre autres sujets évoqués sur le futur poste du chef de file de l’opposition, sur les relations entre Aziz et Messaoud, sur l’alliance du Rfd et du Fndd mais aussi sur l’urgence d’organiser des élections générales anticipées.

Le Rénovateur Quotidien : Ahmed Ould Daddah s’est classé, lors de l’élection présidentielle du 18 juillet, derrière votre président Messaoud Ould Boulkheir. Cela vous réjouit-il de briguer le poste du chef de file de l’opposition au détriment du Rfd ?

Ladji Traoré : Mais, qu’est-ce que vous appelez chef de file de l’opposition ? Nous, politiquement aujourd’hui, l’Alliance Populaire Progressiste est incontestablement la principale force politique et morale de l’opposition mauritanienne. Mais nous n’avons pas brigué le poste du chef de file de l’opposition. Ce poste est une autre affaire. Parce que c’est une loi mauritanienne qui institue le chef de file de l’opposition, qui n’est pas dans la tradition francophone. C’est une tradition britannique et canadienne. Et, le chef de file de l’opposition se dessine à partir des élections législatives. C’est le parti qui a réuni le plus grand nombre de députés sur sa liste qui devient chef de file de l’opposition. C’est cela l’esprit de la loi. Donc, nous n’avons rien à briguer. Nous, nous avons joué le rôle que nous devions jouer à la tête de l’opposition. Jusqu’aux nouvelles élections législatives, le chef de file de l’opposition pour nous reste le même [Ndlr, Ahmed Ould Daddah].

Le Rénovateur Quotidien : A votre avis donc, il serait prématuré de vous attribuer le poste du chef de file de l’opposition comme on l’entend souvent ?

Ladji Traoré : Il y a deux faits. Il y a la situation politique de fait et il y a ce qui est institué par les lois électorales du pays. La situation politique de fait aujourd’hui incontestablement dans l’opinion nationale et internationale place Messaoud Ould Boulkheir comme chef de file de l’opposition démocratique en Mauritanie. Mais, le chef de file de l’opposition démocratique sur le plan institutionnel, c’est autre chose. Et, comme il n’y a pas d’élections pour le moment, pour nous, le chef de file de l’opposition n’a pas juridiquement changé et politiquement, c’est autre histoire.

Le Rénovateur Quotidien : Messaoud Ould Boulkheir demeure le président de l’Assemblée Nationale. Est-ce que votre parti serait favorable à une dissolution de la chambre des représentants ?

Ladji Traoré : Notre parti n’est pas un parti bureaucratique. Ce n’est pas un parti qui court derrière les postes. C’est un parti démocratique. C’est un parti qui court derrière des institutions démocratiques. Au niveau de notre parti, nous demandons des élections générales anticipées et la reprise de ces élections générales anticipées peut faire en sorte que Messaoud Ould Boulkheir redevienne normalement président de l’Assemblée Nationale ou quelqu’un d’autre. Cela nous importe peu.

Le Rénovateur Quotidien : Messaoud Ould Boulkheir a été l’un des farouches détracteurs de Mohamed Ould Abdel Aziz et d’ailleurs il continue à l’être toujours. Est-ce qu’il sera à l’investiture de ce dernier ?

Ladji Traoré : Allez lui poser la question ! Quand j’ai été avec lui ce matin (Ndlr, dimanche 2 août 2009), je ne lui ai pas posé cette question. Beaucoup de rumeurs courent qu’Aziz a rencontré Messaoud ou que ce dernier a vu le premier. Sur ce point-là, je peux être formel. Aziz, depuis les dernières élections, n’a pas rencontré Messaoud. Et, Messaoud aussi n’est pas prêt à le rencontrer. Mais, en tant que responsable d’un parti politique, président de l’Assemblée Nationale de surcroît, il est prêt à rencontrer n’importe qui même Aziz. Parce que nous ne sommes pas ni haineux, ni vindicatifs. On est des démocrates.

Le Rénovateur Quotidien : Entre Mohamed Ould Abdel Aziz et Messaoud Ould Boulkheir, les divergences continuent-elles à se creuser ?

Ladji Traoré : Absolument ! Nous continuons à décrédibiliser et à nier toute crédibilité à ces élections [du 18 juillet 2009] qui ont porté Aziz là où il est. Et, nous demandons une enquête internationale approfondie sur le comment et le déroulement de ces élections et les résultats. Et, au-delà de ça, nous demandons de toute façon la poursuite du processus démocratique par des élections générales anticipées.

Le Rénovateur Quotidien : La communauté internationale a reconnu, contrairement à vous, la transparence de ces élections y compris la France et même les Etats-Unis d’Amérique. N’êtes-vous pas en train de mener un combat solitaire ?

Ladji Traoré : Qu’est-ce que vous appelez communauté internationale ? Il y a certains pays qui ont reconnu les dernières élections. D’autres institutions internationales sont très réservées par rapport à ces élections. Je sais que Alain Joyandet va passer à Nouakchott. Il va faire la Guinée et d’autres pays. D’ailleurs, c’est un itinéraire bizarre ! Cela veut dire qu’il part dans les pays où la situation politique et démocratique n’est pas très claire. Même si du point de vue protocolaire, les français, les américains et les espagnols ont fait des félicitations. Nous savons que l’Union Européenne est plus que réservée sur le résultat de ses élections et on en saura davantage.

Le Rénovateur Quotidien : Le fait de compter sur l’Union Européenne n’est-il pas une manière dérobée d’avouer votre défaite ?

Ladji Traoré : Nous comptons d’abord sur nous-mêmes, sur notre propre combat, sur notre force à convaincre les partenaires nationaux et étrangers pour sortir notre pays de la crise et le mettre sur les bons rails et instituer de véritables institutions démocratiques. C’est cela le fond. Rien n’est encore réglé. On reste encore dans le flou antidémocratique et anti-putschiste.

Le Rénovateur Quotidien : L’alliance Rfd/Fndd n’a pas réussi à défaire Mohamed Ould Abdel Aziz. Pensez-vous que cette alliance circonstancielle a de beaux jours devant elle ?

Ladji Traoré : Les gens spéculent beaucoup. Moi, je m’en tiens à la dernière conférence de presse commune d’Ahmed Ould Daddah et de Messaoud Ould Boulkheir et je m’en tiens aussi à la dernière prise de position d’Ely Ould Mohamed Vall. Autrement dit, les principaux acteurs politiques démocratiques de ce pays dénient toute crédibilité aux élections qui ont porté Abdel Aziz là où il est. Pour l’avenir, je suis sûr qu’Ahmed Ould Daddah et Messaoud Ould Boulkheir qui se connaissent bien, qui ont fait la lutte politique depuis 1992 –ça, on l’oublie souvent-, au-delà de leurs divergences, sont absolument sur la même longueur d’onde sur le front de la revendication et ils le resteront.

Propos recueillis par
Babacar Baye Ndiaye

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