vendredi 14 mai 2010

Institut des Langues Nationales : Ibrahima Moctar Sarr regrette que les mauritaniens méconnaissent l’œuvre qui a été faite

Aujourd’hui, nombreux sont les mauritaniens qui méconnaissent l’œuvre qui a été réalisée par l’Institut des Langues Nationales (ILN) de Nouakchott, créé à l’époque, sous le régime de Mohamed Khouna Ould Haidallah pour expérimenter et préparer l’introduction du Poular, du Soninké et du Wolof dans le système éducatif dans un délai de 6 ans. Certaines personnes d’entre elles partent jusqu’à s’interroger sur les accomplissements de cet institut fermé
par Mâaouiya Ould Sid’Ahmed Taya.

Face à une telle situation, Ibrahima Moctar Sarr a tout simplement proposé, au cours d’un débat sur la problématique des langues nationales organisé ce 12 mai par le REMEDE, à ce qu’on fasse l’inventaire du travail de l’Institut des Langues Nationales pour éclairer l’opinion publique, tout en demandant sa réouverture afin de poursuivre l’expérience de 1979, date à laquelle cet institut a été créé par décret n° 79.348/PG/MEFS.

Pour le numéro de l’Alliance pour la Justice et la Démocratie/Mouvement pour la Rénovation (AJD/MR), l’ignorance du travail de l’Institut des Langues Nationales trouve son explication dans l’"incompréhension" et la "mauvaise information" que les mauritaniens ont de cet institut, regrettant au passage l’absence de vulgarisation et de diffusion de ce qui a été fait dans le développement de nos langues nationales. Ce qui dénote, à ses yeux, d’un mépris du travail linguistique abattu par l’Institut des Langues Nationales.

"Nous, à l’AJD/MR, nous ne trompons pas. Dès le départ, nous avons dit que c’est le problème de l’identité de la Mauritanie qu’il fallait d’abord définir. Tant qu’on ne l’a pas fait, on ne fera que patauger et revenir en arrière. Il faut qu’on sache qu’elle est l’identité de la Mauritanie. Dès l’instant que c’est élucidé et que chacun connait sa place, le reste devient une simple application", a-t-il expliqué.

La question linguistique a mené, à plusieurs reprises, le numéro 1 de l’AJD/MR en prison. Aujourd’hui, il existe des ouvrages attestant que des mauritaniens comme Mourtoudo Diop, Saidou Kane, Oumar, Ibrahima Moctar Sarr ont étudié, pratiqué et développé leurs langues avant que l’Etat ne s’y mette.

"Il y’a 37 ans, [mes compagnons] et moi avions été arrêtés à Nouakchott, en pleine nuit parce que nous étions en train d’étudier notre langue. Nous avons été conduits au commissariat et envoyés à la prison de Beyla. Nous avons été jugés. Par la suite, on a déclaré le non-lieu", rappelle Ibrahima Moctar Sarr comme pour dire que la question du développement des langues nationales ne lui est pas étrangère.

Pour Ibrahima Moctar Sarr, nier le travail de l’Institut des Langues Nationales attesté pa r l’UNESCO, c’est mépriser ceux qui ont participé à sa création en 1979. "Quand nous parlons de développement des langues nationales, ce n’est pas seulement pour chanter en Poular, Wolof ou Soninké, faire de la poésie ou danser. Quand, nous parlons de développement des langues nationales, c’est pour un problème de développement", a précisé Ibrahima Moctar Sarr soulignant au passage qu’on ne peut pas se développer en dehors de sa culture.

Aussi, il a regretté qu’une infime partie de la population soit, la seule, détentrice du savoir, de la connaissance et de l’information au détriment de la majorité rappelant, à titre d’exemple, qu’"il n’y a pas de rupture entre le président chinois et le plus humble des chinois". "Si, on avait poursuivi l’expérience de 1979, on aurait eu, aujourd’hui, des surprises", ajoute-t-il.
Ibrahima Moctar Sarr fait partie aujourd’hui de ceux qui proposent l’adoption d’un multilinguisme stratégique qui exploiterait toutes les ressources linguistiques de la Mauritanie mais aussi l’instauration d’un débat sérieux et ouvert autour de la problématique des langues nationales.

"Depuis presque 40 ans, je suis dans ce chantier. Depuis presque 40 ans, je suis dans cette lutte. Aujourd’hui, encore, on me repose ce même problème que je pensais être dépassé. Alors, cela veut dire que dans 40 ans, si je suis en vie encore, je vais reprendre le même débat. Je ne le souhaite pas", a conclu le leader de l’AJD/MR.

Babacar Baye NDIAYE

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire