"Comment voulez-vous que quelqu’un qui ne reconnaît pas les droits des femmes, leur dénie toute capacité intellectuelle et morale, puisse être favorable à la libération de la femme ?"
Célébration du 8 mars oblige, "Le Rénovateur Quotidien" donne la parole à Aminétou Mint El Moctar, présidente de l’Association des Femmes Chefs de Famille. Les femmes mauritaniennes comme à l’image de leurs sœurs du monde entier continuent à revendiquer l’égalité et à dénoncer les discriminations, les violences et les abus dont elles sont victimes. Pour Aminétou Mint El Moctar, il est temps que la femme mauritanienne se lève car c’est la seule manière d’arracher ce qui lui appartient de droit. "On ne peut pas avancer politiquement en maintenant sous le joug cet élément de la société", explique-t-elle.
Le Rénovateur Quotidien : Les freins juridiques continuent-ils toujours à peser sur la femme mauritanienne ?
Sur le plan juridique, nous avons énormément de difficultés. Au niveau de notre organisation par exemple, on se retrouve souvent avec plusieurs victimes de droits humains. Devant les institutions juridictionnelles, nous rencontrons énormément de problèmes du fait d’un manque d’application des lois. Aujourd’hui, il y a lieu de faire une campagne de plaidoirie auprès des autorités pour moderniser ces juridictions. C'est-à-dire les améliorer et surtout modifier le Code du Statut Personnel afin qu’il puisse répondre aux préoccupations et exigences quotidiennes des femmes mauritaniennes. Pour autant, nous ne négligeons pas les avancées faites dans l’amélioration de ce code. Toutefois, il y a lieu de mettre à nu les insuffisances de ce code et de l’améliorer progressivement. En outre, malgré l’existence de ce code, son application laisse à désirer. Nous appelons les autorités à écouter les problèmes des femmes en ménageant son intérêt et son épanouissement pour parvenir à l’égalité.
Le Rénovateur Quotidien : Est-ce qu’aujourd’hui, on peut parler d’échec en termes d’application des dispositions du Code du Statut Personnel (CSP) qui recèle d’innombrables insuffisances juridiques lesquelles constituent un véritable blocage ?
Aujourd’hui, tout le monde sait que la justice mauritanienne est tenue par des féodaux. C’est les mêmes personnes qui discriminent la femme. Comment voulez-vous que quelqu’un qui ne reconnaît pas les droits des femmes, lui dénie toute capacité intellectuelle et morale peut-il être favorable à la libération de la femme ? C’est cela en grande partie l’obstacle que doivent surmonter les femmes mauritaniennes. A cela s’ajoute le manque de mobilisation des associations féministes qui militent pour les droits de la femme. Ce que nous voulons, c’est créer cette dynamique qui va s’atteler à l’amélioration du CSP. Il faut essayer de créer cette dynamique pour faire un plaidoyer auprès des autorités pour changer le système sur lequel elles se basent aujourd’hui pour sceller le sort des femmes.
Le Rénovateur Quotidien : Autrement dit que les autorités ne sont pas au parfum des réalités que vous vivez et par conséquent mal placées pour se substituer à votre place ?
Effectivement ! Lorsqu’on ignore quelque chose, on ne peut pas prendre la bonne décision. Il faut qu’il y ait une connaissance de ces juridictions, des pratiques quotidiennes à l’égard des femmes, des violences et des discriminations qu’elles subissent sans cesse. Il faut avoir un minimum de connaissances de ce que vit la femme mauritanienne aujourd’hui. Quand on n’a pas cette connaissance, on ne peut pas décider en faveur des femmes mauritaniennes. En outre, on assiste de plus en plus à l’utilisation de la religion comme un instrument politique pour discriminer, marginaliser et lui barrer la route. La lutte doit se mener à ce niveau là aussi ! Pour nous, il est temps qu’on essaie d’influer sur ce qui se passe aujourd’hui en termes de politique, d’élaboration des lois pour que les choses puissent avancer en notre faveur.
Le Rénovateur Quotidien : Pour vous, la femme mauritanienne s’est retrouvée entre l’enclume de la féodalité religieuse et le marteau du laxisme politique qui font qu’elle est aujourd’hui dans une position assez délicate ?
Il y a plus grave que cela. C'est-à-dire qu’on assiste de plus en plus au recul de l’émancipation de la femme mauritanienne. En Mauritanie, on a tendance à dire que la lutte pour l’émancipation de la femme mauritanienne a commencé récemment. C’est un leurre. La femme mauritanienne s’est battue avant l’acquisition de notre indépendance nationale. On peut citer par exemple les cas de Aïssata Kane, Marième Daddah, Marième Mint Sidi El Moctar…qui se sont battues pour que la femme mauritanienne ait de la voix dans la société mauritanienne, en politique et dans le développement social du pays. La femme mauritanienne a toujours été utilisée pour servir d’écran de fumée à nos hommes politiques. Avec chaque régime, on entend les beaux discours. Ce n’est pas aujourd’hui que les femmes mauritaniennes ont commencé à prendre conscience de leur avenir en dénonçant les tortures dont elles sont victimes, l’inégalité des chances, l’esclavage, les discriminations, le patriarcat…On ignore ce passé glorieux. On ne fait rien pour le sauvegarder. Il faut que les gens sachent que la femme mauritanienne a toujours été au devant des grands combats qui concernent notre patrie. Tout ce que la femme mauritanienne a eu aujourd’hui, elle l’a arraché par la lutte. Aujourd’hui, tout ce que nous avions acquis pendant la période transitoire s’est évaporé depuis le coup d’Etat du 6 août 2008. Il ne faut pas croire que nous, les femmes, nous sommes incrédules ou que nous ne réalisons pas qu’on nous fait retourner en arrière, à notre rôle primitif : s’occuper de la famille, de la cuisine, du ménage, produire des enfants…Aujourd’hui, après avec le PASOC, nous engageons avec l’AMDH une campagne internationale sur la levée des réserves de tous les droits concernant ceux des femmes en partenariat avec des réseaux africains de femmes.
Le Rénovateur Quotidien : En quoi cette campagne est-elle si importante à vos yeux ?
La femme mauritanienne est discriminée à partir des réserves sur la CEDEF qui permettent de violer tous les droits des femmes. Du fait aussi que ces réserves ne soient pas spécifiées. La CEDEF est nulle lorsque la réserve n’est pas spécifiée. Nous savons très bien que la Mauritanie est championne dans le domaine des ratifications mais qu’elle est décevante en termes d’applications de ces mêmes ratifications. Les femmes africaines notamment mauritaniennes sont plus touchées par ces réserves. Les mécanismes internationaux ratifiés par notre pays sont supérieurs aux lois internes. Ce n’est pas le cas chez nous. Il n’y a rien de prioritaire. Les lois n’existent que sur les papiers. On n’arrive pas à trouver un partenariat avec la police. Donc pas d’interlocuteurs. Conséquence : lorsque vous venez à la police en tant que femme pour se plaindre vous êtes incriminée déjà. Au tribunal, c’est pareil. Item, chez le cadi. Cette campagne va permettre de créer cette dynamique pour lever ces réserves sur la CEDEF.
Le Rénovateur Quotidien : De 20%, le quota des femmes aux postes électifs ou de nomination est passé à 33%. Est-ce que vous y voyez un signe d’évolution ?
C’est nous les femmes qui avons engendré ce progrès. On nous avait donné 20% en prétextant qu’on ne méritait pas plus. Ces 33 % témoignent aujourd’hui que nous les femmes que nous sommes sont capables de faire autant que les hommes en termes de gestion et une preuve de nos capacités. Cela démontre que les femmes sont capables d’accéder à l’égalité et à l’émancipation. La femme mauritanienne ne peut pas continuer à être victime de discriminations, de violences…sans pour autant agir.
Le Rénovateur Quotidien : N’avez-vous pas parfois l’impression que les mauritaniens notamment ceux qui décident sont phallocrates ?
Non, je ne peux pas le dire puisque tous les hommes ne sont pas tous pareils. Mais, ce que je peux dire et signifier, c’est que la loi soit applicable à tous et non pas pour une seule personne ou pour une seule communauté ou région. Il faut que notre justice traite les citoyens mauritaniens sur le même pied d’égalité. Il faut que celui qui commet un crime réponde de ses actes. Il faut lutter contre les discriminations puisque notre constitution dit que tous les mauritaniens sont égaux devant la loi. Alors pourquoi tout le temps discréditer la femme mauritanienne devant l’opinion publique en disant qu’elle a toujours tort ?
Le Rénovateur Quotidien : Contrairement aux femmes de l’intérieur et des villages principalement, les femmes des grandes villes comme Nouakchott célèbrent le 8 mars en grande pompe. Vous qui avez l’habitude de les rencontrer, pouvez-vous nous dire comment vivent-elles ?
Nous savons tous que nous vivons une conjoncture économique très difficile et les premières ce sont évidemment ces femmes-là. Aujourd’hui, la femme, dans la zone rurale, est exposée à une pauvreté extrême, à des conditions de vie très pénibles. La femme dans le monde rural n’a pas le monopole de quoi que ce soit. Les hommes émigrent. Ce sont elles qui restent pour assurer la survie de la famille. Donc, face à cette conjoncture, face à ces difficultés, elle souffre notamment la femme esclavage. Les femmes esclaves n’ont pas accès à la propriété terrienne. Elles ne profitent pas de cette réforme agraire bidon qui ne tient pas en compte tout cela. Ces terres appartiennent à des féodaux qui les louent à ces dernières qui, à leur tour, leur donnent de l’argent. Plus grave encore, après la récolte, le propriétaire de la terre vient réclamer sa part du gâteau. Parfois, elles se retrouvent sans rien presque exploitées. C’est inhumain. C’est dégradant. Cela crée beaucoup de misère. Là, il s’agit de la responsabilité de l’Etat qui doit régler ce genre de situation. On ne peut pas continuer à exploiter les gens et les abandonner à leur sort ou les laisser mourir de faim. Il faut revoir la réforme agraire pour permettre aux plus pauvres d’avoir accès à la propriété terrienne
Le Rénovateur Quotidien : En fin de compte donc, la libération de la femme mauritanienne va certainement passer par l’appropriation de son destin, par sa capacité d’initiative et d’entreprendre ?
Elle passe d’abord par la prise de conscience de ses problèmes. C’est elle seulement qui peut changer sa situation. Ce n’est pas quelqu’un d’autre qui viendra le faire à sa place. Il faut que les femmes prennent en main leur situation pour pouvoir arriver à ce changement qu’elles aspirent. Il faut qu’il y ait une amélioration concrète de toutes les lois concernant les droits des femmes et leur application. Si elles ne sont pas faites, on ne peut jamais améliorer leur sort. Il faut que les femmes créent une dynamique nationale et internationale sur les lois qui les discriminent. Nous ne pouvons pas évoluer en ignorant les conventions internationales. Mais, il faut les harmoniser avec nos lois internes et amener nos gouvernants à prendre conscience de la situation de la femme. On ne peut pas avancer politiquement en maintenant sous le joug cet élément de la société.
Propos recueillis par
Babacar Baye Ndiaye
Célébration du 8 mars oblige, "Le Rénovateur Quotidien" donne la parole à Aminétou Mint El Moctar, présidente de l’Association des Femmes Chefs de Famille. Les femmes mauritaniennes comme à l’image de leurs sœurs du monde entier continuent à revendiquer l’égalité et à dénoncer les discriminations, les violences et les abus dont elles sont victimes. Pour Aminétou Mint El Moctar, il est temps que la femme mauritanienne se lève car c’est la seule manière d’arracher ce qui lui appartient de droit. "On ne peut pas avancer politiquement en maintenant sous le joug cet élément de la société", explique-t-elle.
Le Rénovateur Quotidien : Les freins juridiques continuent-ils toujours à peser sur la femme mauritanienne ?
Sur le plan juridique, nous avons énormément de difficultés. Au niveau de notre organisation par exemple, on se retrouve souvent avec plusieurs victimes de droits humains. Devant les institutions juridictionnelles, nous rencontrons énormément de problèmes du fait d’un manque d’application des lois. Aujourd’hui, il y a lieu de faire une campagne de plaidoirie auprès des autorités pour moderniser ces juridictions. C'est-à-dire les améliorer et surtout modifier le Code du Statut Personnel afin qu’il puisse répondre aux préoccupations et exigences quotidiennes des femmes mauritaniennes. Pour autant, nous ne négligeons pas les avancées faites dans l’amélioration de ce code. Toutefois, il y a lieu de mettre à nu les insuffisances de ce code et de l’améliorer progressivement. En outre, malgré l’existence de ce code, son application laisse à désirer. Nous appelons les autorités à écouter les problèmes des femmes en ménageant son intérêt et son épanouissement pour parvenir à l’égalité.
Le Rénovateur Quotidien : Est-ce qu’aujourd’hui, on peut parler d’échec en termes d’application des dispositions du Code du Statut Personnel (CSP) qui recèle d’innombrables insuffisances juridiques lesquelles constituent un véritable blocage ?
Aujourd’hui, tout le monde sait que la justice mauritanienne est tenue par des féodaux. C’est les mêmes personnes qui discriminent la femme. Comment voulez-vous que quelqu’un qui ne reconnaît pas les droits des femmes, lui dénie toute capacité intellectuelle et morale peut-il être favorable à la libération de la femme ? C’est cela en grande partie l’obstacle que doivent surmonter les femmes mauritaniennes. A cela s’ajoute le manque de mobilisation des associations féministes qui militent pour les droits de la femme. Ce que nous voulons, c’est créer cette dynamique qui va s’atteler à l’amélioration du CSP. Il faut essayer de créer cette dynamique pour faire un plaidoyer auprès des autorités pour changer le système sur lequel elles se basent aujourd’hui pour sceller le sort des femmes.
Le Rénovateur Quotidien : Autrement dit que les autorités ne sont pas au parfum des réalités que vous vivez et par conséquent mal placées pour se substituer à votre place ?
Effectivement ! Lorsqu’on ignore quelque chose, on ne peut pas prendre la bonne décision. Il faut qu’il y ait une connaissance de ces juridictions, des pratiques quotidiennes à l’égard des femmes, des violences et des discriminations qu’elles subissent sans cesse. Il faut avoir un minimum de connaissances de ce que vit la femme mauritanienne aujourd’hui. Quand on n’a pas cette connaissance, on ne peut pas décider en faveur des femmes mauritaniennes. En outre, on assiste de plus en plus à l’utilisation de la religion comme un instrument politique pour discriminer, marginaliser et lui barrer la route. La lutte doit se mener à ce niveau là aussi ! Pour nous, il est temps qu’on essaie d’influer sur ce qui se passe aujourd’hui en termes de politique, d’élaboration des lois pour que les choses puissent avancer en notre faveur.
Le Rénovateur Quotidien : Pour vous, la femme mauritanienne s’est retrouvée entre l’enclume de la féodalité religieuse et le marteau du laxisme politique qui font qu’elle est aujourd’hui dans une position assez délicate ?
Il y a plus grave que cela. C'est-à-dire qu’on assiste de plus en plus au recul de l’émancipation de la femme mauritanienne. En Mauritanie, on a tendance à dire que la lutte pour l’émancipation de la femme mauritanienne a commencé récemment. C’est un leurre. La femme mauritanienne s’est battue avant l’acquisition de notre indépendance nationale. On peut citer par exemple les cas de Aïssata Kane, Marième Daddah, Marième Mint Sidi El Moctar…qui se sont battues pour que la femme mauritanienne ait de la voix dans la société mauritanienne, en politique et dans le développement social du pays. La femme mauritanienne a toujours été utilisée pour servir d’écran de fumée à nos hommes politiques. Avec chaque régime, on entend les beaux discours. Ce n’est pas aujourd’hui que les femmes mauritaniennes ont commencé à prendre conscience de leur avenir en dénonçant les tortures dont elles sont victimes, l’inégalité des chances, l’esclavage, les discriminations, le patriarcat…On ignore ce passé glorieux. On ne fait rien pour le sauvegarder. Il faut que les gens sachent que la femme mauritanienne a toujours été au devant des grands combats qui concernent notre patrie. Tout ce que la femme mauritanienne a eu aujourd’hui, elle l’a arraché par la lutte. Aujourd’hui, tout ce que nous avions acquis pendant la période transitoire s’est évaporé depuis le coup d’Etat du 6 août 2008. Il ne faut pas croire que nous, les femmes, nous sommes incrédules ou que nous ne réalisons pas qu’on nous fait retourner en arrière, à notre rôle primitif : s’occuper de la famille, de la cuisine, du ménage, produire des enfants…Aujourd’hui, après avec le PASOC, nous engageons avec l’AMDH une campagne internationale sur la levée des réserves de tous les droits concernant ceux des femmes en partenariat avec des réseaux africains de femmes.
Le Rénovateur Quotidien : En quoi cette campagne est-elle si importante à vos yeux ?
La femme mauritanienne est discriminée à partir des réserves sur la CEDEF qui permettent de violer tous les droits des femmes. Du fait aussi que ces réserves ne soient pas spécifiées. La CEDEF est nulle lorsque la réserve n’est pas spécifiée. Nous savons très bien que la Mauritanie est championne dans le domaine des ratifications mais qu’elle est décevante en termes d’applications de ces mêmes ratifications. Les femmes africaines notamment mauritaniennes sont plus touchées par ces réserves. Les mécanismes internationaux ratifiés par notre pays sont supérieurs aux lois internes. Ce n’est pas le cas chez nous. Il n’y a rien de prioritaire. Les lois n’existent que sur les papiers. On n’arrive pas à trouver un partenariat avec la police. Donc pas d’interlocuteurs. Conséquence : lorsque vous venez à la police en tant que femme pour se plaindre vous êtes incriminée déjà. Au tribunal, c’est pareil. Item, chez le cadi. Cette campagne va permettre de créer cette dynamique pour lever ces réserves sur la CEDEF.
Le Rénovateur Quotidien : De 20%, le quota des femmes aux postes électifs ou de nomination est passé à 33%. Est-ce que vous y voyez un signe d’évolution ?
C’est nous les femmes qui avons engendré ce progrès. On nous avait donné 20% en prétextant qu’on ne méritait pas plus. Ces 33 % témoignent aujourd’hui que nous les femmes que nous sommes sont capables de faire autant que les hommes en termes de gestion et une preuve de nos capacités. Cela démontre que les femmes sont capables d’accéder à l’égalité et à l’émancipation. La femme mauritanienne ne peut pas continuer à être victime de discriminations, de violences…sans pour autant agir.
Le Rénovateur Quotidien : N’avez-vous pas parfois l’impression que les mauritaniens notamment ceux qui décident sont phallocrates ?
Non, je ne peux pas le dire puisque tous les hommes ne sont pas tous pareils. Mais, ce que je peux dire et signifier, c’est que la loi soit applicable à tous et non pas pour une seule personne ou pour une seule communauté ou région. Il faut que notre justice traite les citoyens mauritaniens sur le même pied d’égalité. Il faut que celui qui commet un crime réponde de ses actes. Il faut lutter contre les discriminations puisque notre constitution dit que tous les mauritaniens sont égaux devant la loi. Alors pourquoi tout le temps discréditer la femme mauritanienne devant l’opinion publique en disant qu’elle a toujours tort ?
Le Rénovateur Quotidien : Contrairement aux femmes de l’intérieur et des villages principalement, les femmes des grandes villes comme Nouakchott célèbrent le 8 mars en grande pompe. Vous qui avez l’habitude de les rencontrer, pouvez-vous nous dire comment vivent-elles ?
Nous savons tous que nous vivons une conjoncture économique très difficile et les premières ce sont évidemment ces femmes-là. Aujourd’hui, la femme, dans la zone rurale, est exposée à une pauvreté extrême, à des conditions de vie très pénibles. La femme dans le monde rural n’a pas le monopole de quoi que ce soit. Les hommes émigrent. Ce sont elles qui restent pour assurer la survie de la famille. Donc, face à cette conjoncture, face à ces difficultés, elle souffre notamment la femme esclavage. Les femmes esclaves n’ont pas accès à la propriété terrienne. Elles ne profitent pas de cette réforme agraire bidon qui ne tient pas en compte tout cela. Ces terres appartiennent à des féodaux qui les louent à ces dernières qui, à leur tour, leur donnent de l’argent. Plus grave encore, après la récolte, le propriétaire de la terre vient réclamer sa part du gâteau. Parfois, elles se retrouvent sans rien presque exploitées. C’est inhumain. C’est dégradant. Cela crée beaucoup de misère. Là, il s’agit de la responsabilité de l’Etat qui doit régler ce genre de situation. On ne peut pas continuer à exploiter les gens et les abandonner à leur sort ou les laisser mourir de faim. Il faut revoir la réforme agraire pour permettre aux plus pauvres d’avoir accès à la propriété terrienne
Le Rénovateur Quotidien : En fin de compte donc, la libération de la femme mauritanienne va certainement passer par l’appropriation de son destin, par sa capacité d’initiative et d’entreprendre ?
Elle passe d’abord par la prise de conscience de ses problèmes. C’est elle seulement qui peut changer sa situation. Ce n’est pas quelqu’un d’autre qui viendra le faire à sa place. Il faut que les femmes prennent en main leur situation pour pouvoir arriver à ce changement qu’elles aspirent. Il faut qu’il y ait une amélioration concrète de toutes les lois concernant les droits des femmes et leur application. Si elles ne sont pas faites, on ne peut jamais améliorer leur sort. Il faut que les femmes créent une dynamique nationale et internationale sur les lois qui les discriminent. Nous ne pouvons pas évoluer en ignorant les conventions internationales. Mais, il faut les harmoniser avec nos lois internes et amener nos gouvernants à prendre conscience de la situation de la femme. On ne peut pas avancer politiquement en maintenant sous le joug cet élément de la société.
Propos recueillis par
Babacar Baye Ndiaye