samedi 2 janvier 2010

Actes de violences perpétrées contre les femmes : AWOMI appelle l’Etat mauritanien à prendre des mesures urgentes


Au cours d’une conférence de presse tenue samedi 2 janvier, à Nouakchott, et conjointement organisée avec le FONADH, l’Initiative des Femmes Africaines du Millénaire contre la pauvreté et pour les droits humains ou AWOMI (african Women’s Millenium Initiative) dirigée par la sénégalaise Yacine Fall a appelé l’Etat mauritanien à prendre des mesures urgentes en ce qui concerne les actes de violences perpétrées contre les femmes.

Dans un mot d’introduction, Mamadou Sarr, le secrétaire exécutif du FONADH, a fait un tour d’horizon des conditions extrêmement difficiles dans lesquelles, les femmes du monde, notamment africaines, vivent de même que brossé le tableau des violations massives de leurs droits dont elles sont victimes.

Cette conférence de presse, qui s’est déroulée en présence du président de la Commission Nationale des Droits de l’Homme (CNDH) Mohamed Saïd O. Hamady, s’inscrit dans une perspective d’un plan d’action que compte élaborer le FONADH dans le domaine de la promotion et de la sensibilisation des droits de la femme mauritanienne et de la lutte contre les actes de violences à l’égard des femmes.

Yacine Fall, avant d’entrer dans le vif du sujet relatif aux actes de violences perpétrées contre les femmes et les jeunes filles, a tout d’abord salué l’ouverture d’esprit du régime de Mohamed Ould Abdel Aziz. "Il y a quelques années de cela, une telle rencontre n’aurait pas pu avoir lieu. Ceci dénote d’un nouveau vent de démocratie qui souffle dans ce pays reconnu à travers le monde et que nous nous en réjouissons", a-t-elle affirmé.

L’organisation qu’elle dirige, l’Initiative des Femmes Africaines du Millénaire contre la pauvreté et pour les droits humains qui compte des partenaires dans 15 pays d’Afrique dont la Mauritanie, a pour objectif de lutter contre l’impunité de la violence dont sont victimes les femmes africaines.

A ce propos, elle a rappelé que son organisation, dont la création a été suscitée par le fait qu’en dépit de la signature de nombreux instruments juridiques internationaux par les gouvernements pour promouvoir les droits des femmes, intègre dans la lutte contre la violence, entre autres, les initiatives de plaidoyer associant les femmes leaders.

Yassine Fall n’a pas manqué de critiquer les "actes de violence et de barbarie perpétrés" contre Marième Fall et Aida Fall et de demander aussi que "justice se fasse" pour ces deux jeunes filles originaires de Garack à Rosso Mauritanie qui "ont respectivement perdu la vie et la possibilité de mener une vie active libre du cauchemar éternel du viol" à cause d’Amadou Lô, un récidiviste, a-t-elle rappelé.

Ceci remonte en janvier dernier. A l’époque, Amadou Lô les avait violées et décapités. Seule Aida Fall avait survécu. D’ailleurs, elle a été présente à cette conférence de presse. Aujourd’hui, malgré les traces des actes de violence qu’elle a subie, elle se porte comme un charme.

"Nous sommes bien conscients que beaucoup d’efforts sont en train d’être fournis par les autorités pour ôter les nombreux obstacles qui se présentent au processus judiciaire", a reconnu Yacine Fall qui a lancé un appel aux pouvoirs publics mauritaniens de lutter contre les mécanismes d’exclusion et de discrimination qui ne cessent de se développer contre les femmes.

Une stratégie commune

Au cours de cette conférence de presse, des intervenants, comme Aminétou Mint El Moctar qui est la présidente de l’Association des Femmes Chefs de Famille, ont fait part des exemples de filles, comme Marième et Aida Fall, qui ont été victimes de viols et de violences sexuelles.

"Il est temps que les organisations de défense des droits de l’homme et plus particulièrement les organisations féminines essaient de faire une stratégie commune pour lutter contre ce fléau qui prend de plus en plus de l’ampleur et qui est extrêmement dangereux pour l’avenir de la femme mauritanienne pour l’égalité et la stabilité du pays", a-t-elle suggéré en mettant en garde contre la dégénérescence d’un tel phénomène.

Les cas qui sont posés au niveau de la justice ou de la police aboutissent très rarement. "A chaque fois que le problème est posé au niveau de la justice, on dit que ce sont les parents qui ont failli à leur devoir. Des centaines de filles violées sont aujourd’hui emprisonnées parce qu’elles ont été accusées d’adultère", s’étonne Lalla Aicha Sy, présidente du Comité de Solidarité avec les Victimes de la Répression des Evénements de 1989.

Aujourd’hui, les violences sexuelles à l’égard des femmes et des jeunes filles inquiètent les organisations de défense des droits des femmes. Toutefois, elles estiment que, si une telle pratique persiste encore, c’est en partie dû à l’impunité. L’histoire d’Aida Fall et de Marième Fall a ému et secoué toute la salle.

"Je suis très choqué. Il faut que nous disions la vérité. Le problème du viol en Mauritanie m’interpelle comme étant le refus de reconnaitre que dans la classe politique et sociale, on pratique le viol. Pourquoi, quand un viol est dénoncé, il n’y a pas de justice. C’est parce que derrière, on ne veut pas atteindre les grands violeurs", a déclaré Boubacar Ould Messaoud, président de SOS Esclaves qui compare le problème de viol à celui de l’esclavage.

"On ne peut pas punir quelqu’un parce que si on le punit, on peut vous montrer du doigt et dire aussi que chez vous, il y a quelqu’un à punir. Il faudrait que nous nous activions pour que l’impunité cesse dans le pays", a-t-il suggéré.

Encadré

Deux questions à…
Madame Yassine Fall, présidente d’African Women’s Millénium Initiative (AWOMI)

Le Rénovateur Quotidien: Discriminations, violences, viols, mauvais traitements…Autant de faits que vivent les femmes africaines. Et, pourtant, des mécanismes existent au niveau des Etats pour réprimer tout cela. Comment pouvez-vous nous expliquer leur persistance ?

Yacine Fall : Dans tous les pays africains, il y a des mécanismes qui existent, des instruments juridiques internationaux signés par les Etats. Mais, le problème, c’est leur mise en œuvre. Les Etats signent et on a même l’impression qu’ils font la compétition pour qui a le plus un stylo en or.
Mais, lorsqu’il s’agit de mettre en œuvre les ressources financières nécessaires, la formation, d’appuyer les femmes dans le leadership, de faire en sorte que les femmes fassent partie des conseillers ruraux des communautés rurales et les municipalités, nos Etats sont timides. Il y a aussi le manque de pouvoir économique et politique des femmes qui peut leur permettre d’utiliser leurs ressources pour que justice soit faite.
Il y a aussi le fait que ceux incarnent la police ou la gendarmerie ne soient pas formés. Ceux-ci négligent souvent les questions des droits des femmes. En plus de tout cela, il y a des croyances traditionnelles qui font que la violence et le viol contre les femmes, ce n’est pas un problème tabou. S’y ajoutent également les problèmes de discriminations qui sont ancrées dans l’esprit des hommes.
Tous ces facteurs font que le problème continue. Maintenant, avec les crises économiques, la violence continue. Il y a beaucoup de camouflage. On va à la police et on essaie d’arranger pour que ça n’aille pas au tribunal. Tous ces facteurs-là font que l’impunité continue et lorsqu’elle continue, la violence continue.

Le Rénovateur Quotidien : Et qu’est-ce que vous suggérez par rapport à tout cela ?
Yacine Fall : Ce que nous suggérons, c’est d’abord faire pression sur les Etats, les autorités. On a souvent constaté que les pouvoirs publics ne voient que l’urgence qui est devant eux. S’il y a pression, si nous faisons beaucoup de bruits pour qu’ils nous entendent, ils vont peut-être prêter l’attention.
Mais, aussi, faire en sorte que les femmes puissent avoir accès à des ressources leur permettant que leurs droits soient dits, que le jugement soit fait, faire en sorte que les cas qui existent actuellement soient jugés. Je pense que l’exemple de Marième Fall et d’Aida Fall doivent être des cas symboliques que la Mauritanie doit prendre en charge et régler. Ce type-là (Amadou Lô) est un récidiviste. Il l’avait fait en 2005.
On l’a mis en prison pendant trois mois et il est sorti. Vous voyez l’arrogance avec laquelle, il a répondu aux parents. Cela veut dire que l’impunité existe. Il se dit qu’il peut le faire et rien ne va lui arriver et sa famille qui dit qu’avec l’argent on peut tout acheter. Je pense que l’urgence, c’est dan ce cadre-là

Babacar Baye NDIAYE