mercredi 29 octobre 2008

La "chronique" de Babacar Baye Ndiaye

"Gutenberg n'a pas attendu le développement du marché du livre pour inventer l'impremerie"Nicole Notat

J’aime voyager : découvrir la manière de vivre des populations de l’intérieur du pays, loin des tracas de la vie urbaine comme celle de Nouakchott, une ville qui pervertit nos mœurs et nos esprits. Et, sur ce point, nous avons beaucoup à apprendre des populations de l’intérieur qui se singularisent par leur modestie dans tous les sens du terme.
C’est toujours pour moi une délectation de voyager à l’intérieur du pays à chaque fois que l’occasion se présente. Une occasion de voyage ne se refuse pas. C’est comme un cadeau offert par une amie. Ça ne se refuse pas !
Donc, ce jeudi 23 Octobre 2008, j’ai embarqué, à défaut de trouver une “mercédes”, à bord d’un autocar qu’on appelle communément “car” en destination de Dioudé Dièry. Le voyage se fit en nuit. Outre que cela est plus stressant, j’aime naturellement voyager pendant la nuit : sentir l’air frais glisser dans mes narines. Le temps de faire des réflexions sur la vie, sur la situation actuelle du pays.
Pendant, ce temps-là, ceux avec qui je voyageais (deux grandes femmes allaitant leur progéniture et trois hommes) roupillaient profondément chacun dans son petit coin. A travers ce voyage, j’ai encore réalisé combien nous étions en retard sur le plan infrastructurel, sur la perception de l’évolution de ce monde qui file pareil à un TGV. Mais, aussi, combien nous étions rétrogrades.
La Mauritanie, contrairement à ce que pensent certains, n’est pas un pays de paradoxes. Bien au contraire, c’est ceux qui la dirigent et qui incarnent la puissance publique qui sont des hommes de paradoxes. Je me suis toujours posé des questions sans pour autant y apporter des réponses. J’en concluais que la faute venait de nos responsables politiques et militaires qui ont dirigé ce pays pendant un demi-siècle.
Concrètement, qu’est-ce que nous avons fait pour aider ce cultivateur qui n’arrive pas à écouler sur le marché national sa récolte de melon qu’il voit pourrir sous le soleil ? Qu’est-ce qu’on a fait pour ce village du Hodh El Chargui où la population manque terriblement de l’eau potable et qui est astreinte hélas de boire de l’eau des étangs ? Qu’est-ce que nous avons fait aussi pour cet autre village du Guimakha où les femmes enceintes n’ont pas la possibilité de se faire suivre médicalement faute de poste de santé ?
Qu’est-ce que nous avons fait pour cette fillette en âge d’aller à l’école mais qui se voit ainsi privée de son droit le plus absolu parce que tout simplement dans son village il n’y a pas d’école ? Qu’est-ce que nous avons fait en termes de réduction de lutte contre le paludisme pour réduire à 50% le nombre de décès ? Qu’est-ce que notre pays, sans pour autant nier certains acquis, a entrepris en termes de réformes institutionnelles, de justice, de lutte contre la corruption, le terrorisme, la pauvreté et de protection des droits de l’Homme ?
C’est parfois révulsant ! Nous passons tout notre temps à vétiller, à leurrer les populations et à les miroiter des mirages que nous ne tenons jamais. Nous n’avons jamais utilisé à bon escient l’aide publique que nous recevons pour l’investir sur la population. Cette politique politicienne ne mène nulle part à part un jour vers le ras-le-bol ou la révolte.
On ne peut pas construire un pays comme la Mauritanie sur des mensonges, sur des injustices et le favoritisme. Cette manière de gouverner, nous en avons beaucoup souffert, pendant un quart de siècle marqué par des violations massives des droits de l’Homme, par des dérives autoritaires, par une situation économique et sociale inquiétante…Et regardez où en sommes-nous arrivés aujourd’hui : un climat d’incertitude et de suspicion plane au-dessus de nos têtes.
Depuis 48 ans, le discours politique est resté le même. Le Président qui passe plagie le précédent, utilise la même procédure, fait du réchauffé, essaie de parler comme lui. C’est un des avatars de nos hommes politiques qui manquent de nature et d’originalité. Quand est-ce qu’on aura des hommes politiques de la trempe de Barack Obama capable de faire rêver le peuple mauritanien qui est en train de vivre les pires convulsions de sa vie ?
La santé, l’éducation, les réformes, le transport, la réduction du train de vie de l’Etat, la sécurité sociale, l’assurance-maladie, la rareté de l’eau, la lutte contre la dépendance extérieure, l’autosuffisance alimentaire…Voilà les vraies questions sur lesquelles nous devons nous pencher et auxquelles nous devons trouver, très rapidement, des réponses diligentes si nous voulons rattraper le peloton des pays émergents ou se faire respecter.
L’intérêt de la Mauritanie a toujours été pris en otage par des hommes politiques, des hommes d’affaires et des officiers, sans vergogne et sans scrupule, dont le seul souci est de se faire de l’argent, de construire de belles villas, d’avoir des épiceries partout à Nouakchott, de vivre dans la félicité au grand mépris du peuple mauritanien.
La Mauritanie se circonscrit uniquement à Nouakchott. Il suffit de se rendre à l’intérieur du pays pour en savoir quelque chose. On a perdu trop de temps à trouver une sortie à cette crise née du coup d’Etat du 6 août 2008. Allons, passons à autre chose pour le bonheur de tout le monde ! Sidi ou Aziz, qu’importe ! L’un ou l’autre nous est égal. L’essentiel qu’il soit capable de susciter en nous l’espoir. Mettons-nous au travail : le reste n’est que perte de temps.